Enfin une bonne nouvelle ! En cette rentrée cataclysmique, pas encore remis du « choc » Trierweiler et des mauvais indicateurs économiques, nous pouvions craindre que l’affaire Thévenoud ne dégénère en véritable jacquerie dans la « France d’en bas ». Ouf, nous sommes sauvés, et avec nous sûrement le gouvernement Valls qui paraissait il y a peu encore sur un siège éjectable.

En effet, nous voici édifiés. Si le citoyen Thévenoud, député et ci-devant éphémère secrétaire d’état ne déclarait pas ses revenus, ou ne payait pas ses impôts, ou avec retard, ou à la dernière minute venant de recevoir un coup de fil de Matignon lui annonçant une inattendue nomination ; s’il ne payait pas son loyer depuis des années, ce n’est pas par incivisme, par absence de sens moral élémentaire pour un élu du peuple rétribué sur fonds publics, par j’menfoutisme, ou sentiment d’impunité en raison de ses relations. Non c’était en raison d’une pathologie très sérieuse, documentée : La phobie administrative. Apparemment, son épouse, membre éminent du cabinet du président du Sénat, deuxième personnage de l’Etat, devait, elle aussi être atteinte par ce mal qui se caractérise notamment par une impulsion irrépressible conduisant à jeter au panier sans l’ouvrir tout courrier émanant de l’administration.

Phobie administrative, donc, cela change tout ! Soudain les millions de Français qui font en ce moment même les fonds de tiroir pour s’acquitter d’un dernier tiers provisionnel-dont ils se demandent bien comment il a pu autant augmenter (contrairement à leurs revenus)-n’ont plus du tout envie de déchirer leur carte d’électeur face à ce qu’ils avaient pris (à tort donc) comme un « énaurme » bras d’honneur. Ils auront moins de scrupules à laisser trainer les avis de taxe d’habitation ou de taxe foncière (pour ceux qui ont commis l’erreur d’acheter leur logement) lorsque ceux-ci arriveront dans leur boite aux lettres d’ici un mois ou deux.

Car les contribuables et locataires de ce pays viennent de faire une découverte : sans le savoir, à l’image de notre citoyen député, ils étaient eux aussi atteints de cette curieuse maladie dont ils ignoraient même l’existence : La phobie administrative, donc, cette peste moderne dont, tels les animaux de La Fontaine  ils ne mourraient pas tous, mais tous étaient frappés. Et cette révélation  fut pour eux un réel soulagement et une invitation à prendre derechef la plume pour écrire à leur « percepteur » ou mieux encore pour aller consulter un médecin ou une « aide administrative » (dépense qui devrait  évidemment être remboursée par la sécurité sociale).

Merci M. Thévenoud de nous avoir ainsi libéré de notre mauvaise conscience, si mal placée. Nous ne serons jamais de vulgaires mauvais payeurs, ou des débiteurs éternels auprès de notre banque. Puisque nous sommes des victimes de la société. Dans votre cas, on peut même dire que dans votre cas cette phobie est une véritable maladie professionnelle. En effet à force de forger et de voter tant de lois et règlementations les unes plus tatillonnes que les autres ( dernière en date, votre chef d’œuvre, cette proposition de loi règlementant l’activité des sociétés de chauffeurs privés qui font tant de mal aux taxis), A force d’imaginer les moyens de traquer la fraude fiscale, vous en avez eu la nausée. Pas de chance, votre épouse est dans le même cas, se trouvant aux premières loges de la Haute Assemblée et de ses nombreuses commissions législatives. Rentrant chez vous, vous avez donc décidé de vous rebeller, et de vous simplifier la vie. En toute bonne conscience, car la maladie était devenue trop douloureuse. Et tant pis pour le proprio. Un privilégié forcément, celui-là, ça vous faisait quand même moins de mal de le faire marner que le fisc dont vous ne contestez pas, bien sûr, qu’il remplissait tout de même une mission d’intérêt général.



Mais l’autre bonne nouvelle c’est que cette révélation (dommage que Mireille Dumas n’officie plus sinon vous auriez accouru dans son émission) va sans doute aider le pouvoir en place, en fort mauvaise passe, à se tirer d’affaire. Sans doute serez-vous vous même réélu député, vous qui ne connaissez que le jugement de vos électeurs de Saône et Loire. Car les Français étaient encore une fois proches de conclure qu’ils n’habitaient décidément pas le même pays que ces politiciens qui ne payent pas d’impôts, de loyers, ou ne règlent pas leurs PV de stationnement- comme votre collègue le sénateur écologiste Placé, ou ces conseillers du prince qui émargent auprès de laboratoires pharmaceutiques, ou utilisent à des fins personnelles les moyens de l’Etat. Et vous les avez édifiés. Ces gens là sont finalement comme nous tous (à l’exception des 1% d’êtres parfaitement sains qui prennent leur pied dans les démarches administratives) : des phobiques, des malades qui s’ignorent. Et là cela fait vraiment du bien de se sentir sur le même bateau. Allez, n’expiez point, on trouvera bien un âne qui, comme dans la fable, fera l’affaire. Tant il est vrai que pour ce malheureux :

"Rien que la mort n'était capable
D'expier son forfait : on le lui fit bien voir.
Selon que vous soyez puissants ou misérables
Les jugements de cour vous rendront blancs ou noirs"

Citations empruntées à la fable de Jean de la Fontaine « les animaux malades de la peste »